
: Élections maudites et démocratie paralysée
On raconte que, sous le règne du président Mohamed Khouna Ould Haidala – et après une réunion organisée par le Président sur la politique étrangère mauritanienne – les ministres et membres du Comité militaire présents ont discuté des perspectives d’instauration de la démocratie Mauritanienne. M. Mouawya Ould Taya était présent, mais il feuilletait un livre, sans prendre part au débat, ce qui a irrité le Président Mohamed Khouna qui l’a apostrophé d’une voix forte, « pourquoi vous ne participez pas (à nos débats), et quelle est votre opinion » ?
M. Mouawya Ould Taya a répondu en substance que nous ne pourrons que nous engager dans une forme de démocratie, mais nous ne pouvons pas supporter une vraie démocratie.
Le règne du Président Mohamed Khouna Ould Haidala s’acheva, et il fut remplacé par M. Mouawya Ould Taya, qui commença à mettre en pratique sa conception de la démocratie, et quelle que soit la justesse de cette conception de démocratie ou son inanité, nous ne pouvons la juger qu’à ses résultats :
« Cette démocratie à la Mouawya, que nous vivons encore, a-t-elle atteint le but et l’objectif du système démocratique ? Cet objectif étant l’instauration d’un système de bonne gouvernance et l’avènement d’une société moderne dans laquelle le peuple choisit librement et dans le seul intérêt général, ses présidents, ses députés et ses maires et qui surveille la gestion de ses ressources pour qu’il en tire profit en toute équité ? Nos conditions matérielles et morales ont-elles évolué pour le mieux ?
Malheureusement, la réponse unanime est que cela n’a été réalisé ni en totalité ni même en partie.
« Drapeau, constitution et assemblée nationale
Tous dévoyés de leur sens correct »
Comme le dit (le poète) Marouf Al-Rusafi .
La démocratie, qui a connu son apogée dans les années 90, a fait ressortir tout ce qui était mauvais dans la société. Au sein d’une société constituée de tribus, d’ethnies et de castes, le concept d’État n’a pas vécu plus de vingt ans. La démocratie a fait ressortir tout ce qui est détestable en nous, de l’ethnocentrisme haineux, au tribalisme, au régionalisme.
Lors des premières élections présidentielles, on a joué sur la fibre ethnique opposant les Beidanes aux autres, sur les effluves des événements de 1986, 1989 et 1990, et sur celle du régionalisme, qui a été utilisé dans la propagande du Président présenté comme le candidat d’une région et contre une autre, ce qui a suscité la candidature d’Ahmed Ould Daddah de l’opposition, encouragé par des milieux proches du pouvoir.
Pour se partager le gâteau, la porte de la gabegie fut ouverte à deux battants, les postes (dans l’administration) sont devenus un butin et la propriété privée du fonctionnaire qui fait de son budget ce qu’il veut. Certaines administrations (étaient convoitées, parce qu’il y avait des subsides à piller), et d’autres étaient des coquilles vides dont personne ne voulait.
La première mesure qui a fut prise comme prélude à la démocratie a été l’acquittement des directeurs et responsables du Port Autonome de Nouadhibou, qui étaient poursuivis depuis dix ans (Sidaty Gueye et ses collaborateurs) et leur indemnisation au lieu de leur enjoindre de rembourser (ce qu’ils avaient détourné). Cet acquittement a été perçu comme un feu vert et une invitation, à tous ceux qui seraient appelés à assumer une fonction, signifiant : « Pille et ne t’en fait pas».
Le fonctionnaire qui avait jadis honte de mentionner ses biens acquis après avoir quitté une fonction, s’il avait construit une maison ou acheté une voiture, se devait, dans ses cercles privés, d’expliquer comment il a pu en avoir les moyens, en dehors du revenu tiré de son travail. Après 1991, il en est devenu fier.
Celui que la pudeur empêchait de mentionner de son ascendance (noble) dans ses réunions privées, s’en enorgueillit désormais et se pavane dans les couloirs des écoles et des universités, chantant, sans vergogne aucune, les louanges de ses pères et ancêtres.
L’État encourageait le partage des prébendes que le fonctionnaire détourne avec sa tribu et sa région, sous une forme que l’un des barons du régime a définie comme étant « une répartition directe ou indirecte des richesses ».
(L’exigence) de compétence pour occuper une fonction a disparu.
(L’exigence) d’intégrité pour occuper une fonction a disparu.
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Cela a été remplacé par le poids tribal et régional, et par (« les qualités ») de plus grand détourneur et distributeur de biens publics.
Ces fonctionnaires ont été les fléaux des institutions du secteur public : banques, sociétés de pêche et d’assurance. Ils les ont détruites par la mauvaise gestion et les ont menées à la faillite, dans le but de les vendre au secteur privé, auquel elles ont donc été cédées à un prix symbolique. Banques, compagnies d’assurance, sociétés de pêche, même les télécommunications, et les licences bancaires et d’assurance ont été échangées entre tribus et régions.
Ainsi ont continué à procéder les régimes qui ont remplacé Mouawya Ould Taya, même s’ils étaient plus avares que lui et plus thésauriseurs, car lui et son entourage était généreux avec les autres, alors que ses successeurs étaient habiles à accaparer, mais exagérément avaricieux.
Mais, las ! Il s’agit là d’un monde révolu et de gens du passé quelles que soient leurs turpitudes. Ce que nous devons faire maintenant, c’est changer notre triste présent, dont les chemins, suivis aussi bien par les officiels que par la population, ont été tracés par ces prédécesseurs peu recommandables.
Notre devoir est d’établir un nouveau système démocratique, éloigné de la traditionnelle politique des quotas :
Pour les militaires
Pour les ethnies
Pour les tribus
Pour les régions
L’approche démocratique que nous suivons est une approche paralysée et ne peut être poursuivie. Elle n’a apporté à la Mauritanie aucun développement, comme elle n’a pas préservé ses biens et ses ressources. (Comme dit le proverbe) « Elle n’a ni épargné la monture, ni parcouru une distance. »
Ce pour quoi doivent lutter ceux qui sont loyaux envers ce cher pays, c’est l’avènement d’un nouveau système démocratique civil, qui préserve la dignité et les ressources du pays avant que le déluge ne nous submerge.
Les vastes masses de pauvres, de marginalisés et de jeunes chômeurs ne continueront pas à se taire sur cette disparité matérielle dans laquelle nous vivons : Une pauvreté abjecte, dans laquelle aucun de nous ne trouve de quoi nourrir sa famille, et les riches impudents, bâtissant des immeubles de plus en plus hauts, se vantant de leur extravagance et de leur luxe.
L’instauration d’une démocratie équitable est une nécessité pour éviter que la société n’explose. C’est ou la justice ou le déluge. Malheureusement, ceux qui vivent les évènements dans l’opulence et l’ivresse du pouvoir sont incapables de changer.
« L’une des règles déduites de l’évolution historique montre bien que la société n’entreprend les transformations radicales requises et n’entame une nouvelle ère – à tout le moins de forme – qu’après l’arrivée d’événements terribles, tragiques. » Tsin Karl Giork : livre de la prospérité appauvrissante : le gaspillage, le chômage et la paupérisation.
Malheureusement, nous vivons une prospérité appauvrissante, un gaspillage excessif, avec, comme corollaire, le chômage et à la misère.
La dernière manifestation de la démocratie Mouawya, ce sont les élections du 13 mai. Ces élections seraient-elles maudites ?
La plupart des Occidentaux croient au caractère funeste du nombre 13 et l’évitent pour des raisons qui remontent à la dernière Cène du Christ ou aux sorcières romaines, dont Satan était le treizième. Les élections du 13 mai ont montré plusieurs manifestations de régression, voire de décadence, dans l’évolution des élections en Mauritanie, qui se présentent comme suit :
Premièrement : la migration électorale
Deuxièmement : le commerce des loyautés et des voix lors des élections
Troisième : l’esclavage électoral
Concernant la migration électorale : Des candidats puissants sur le plan financier, mais faibles sur le plan électoral, ont profité de l’autorisation stupide permettant l’inscription à distance sur les listes électorales, en inscrivant les habitants de certaines villes sur les listes de localités où ils ont l’intention de se présenter, pour décider du sort de villes et de villages avec lesquels ils n’ont rien à voir. En conséquence, l’opinion et la voix des habitants et des ressortissants de ces villes ou villages ont été marginalisées et on leur a imposé des élus qui n’ont aucun lien avec eux et qui ne tiennent aucun compte des intérêts des cités où ils ont été élus comme députés ou édiles.
Cela a également conduit au contraire du but et de l’objectif de la démocratie, qui est que chaque groupe se gouverne soi-même par l’intermédiaire de représentants qu’il choisit, et que ces représentants lui soient redevables et responsables devant lui, « la démocratie (étant) dans son expression la plus simple le gouvernement du peuple par le peuple. » Or, ce qui s’est passé, c’est tout le contraire. Les élus n’ont rien à voir avec les habitants de la cité où ils ont été élus. Ils ont été élus par des gangs qui ont loué ou vendu leurs votes, qui sont arrivés la veille des élections et sont repartis le soir du jour de l’élection avec l’aide du député ou du maire pour lesquels ils ont voté. Ce qui fait que le député ou le maire élu de cette manière n’est ni responsable, ni redevable à la population qui réside habituellement dans la circonscription dans laquelle ces imposteurs ont été élus.
Le phénomène de migration électorale se heurte aux principes politiques et juridiques suivants :
Premièrement : La loi régissant les communes stipule que le statut d’électeur est réservé à ceux qui résident de manière permanente dans la circonscription électorale dans laquelle il souhaite voter. L’article 94 de l’Ordonnance 87/289 du 20/10/1987 dispose : ” Sont électeurs tous les citoyens mauritaniens des deux sexes, âgés de 21 ans accomplis, jouissant de leurs droits civiques et politiques, inscrits sur la liste électorale et pouvant justifier d’une durée de résidence dans la commune d’au moins six mois. », et l’article 95 ajoute « Est présumée résidente, toute personne ayant acquitté une taxe ou un impôt lié à la propriété ou à l’habitation depuis deux ans. »
Ce texte clair et explicite n’a été respecté en aucune manière : Lors de l’inscription sur la liste électorale, l’obligation légale explicite était d’exiger du demandeur d’inscription de justifier de sa résidence antérieure dans la circonscription dans laquelle il souhaite s’inscrire comme électeur. L’article 95 précise que la preuve consiste, pour le demandeur, de fournir une attestation faisant état de l’acquittement d’une taxe ou d’un impôt lié à sa propriété ou à son habitation depuis deux ans. Malheureusement, cette disposition a été ignorée au vu et au su des autorités administratives et par la pratique et l’application de la Commission Electorale Indépendante.
Quel pays au monde bafoue délibérément ses lois fondamentales et ses règlements ? Cela est vraiment étrange !
Et dans la loi réglementant les députés de l’Assemblée nationale, l’article 4 stipule : « Les mêmes dispositions relatives aux conditions que doit remplir obligatoirement l’électeur et celles relatives aux listes et cartes électorales incluses dans l’ordonnance juridique 289/87 du 10/ 20/1987 relative aux municipalités, s’appliquent ». Ce qui signifie que le candidat aux élections doit être en mesure de justifier de sa résidence dans la commune pendant une période d’au moins six mois, ou de fournir une attestation prouvant qu’il s’est acquitté d’une redevance ou d’une taxe liée à la propriété ou au logement depuis deux ans.
Deuxièmement : Le vote d’un non-résident dans la circonscription dans laquelle il est élu se heurte au principe de compétence électorale, qui est une condition pour l’électeur, à savoir qu’il ait la capacité juridique de voter et qu’il ait un intérêt légitime. Le non-résident n’a ni capacité juridique, ni intérêt légitime pour voter. Au contraire, son intérêt est illégitime. Donc, soit il n’a aucun intérêt, soit son intérêt est illégitime, puisqu’il écarte le choix de la population locale, ou impose un député ou un maire à des citoyens qui n’en veulent pas, qui ne s’occupe pas de leurs intérêts, et n’a pas été choisi par eux.
Les élections ont été entachées d’un scandaleux manque de moyens. Les procès-verbaux des résultats ne couvraient pas les listes de candidats, et parmi les membres des sous-commissions et des comités régionaux on a découvert des personnes malhonnêtes, qui ont remplacé et a changé les résultats des concurrents du Parti INSAF et les ont accordés à un candidat de ce parti, et certains parmi eux ont été soudoyé set ont trahi la confiance placée en eux. On a découvert la plus grande quantité de votes nuls dans l’histoire des élections mauritaniennes, soit 300 000 votes nuls, avec 100 000 votes classés comme neutres. Lors de ces élections, des cartes d’identité ont également été achetées aux pauvres et aux nécessiteux, notamment de la catégorie exclue des Harratines, pour les empêcher de voter, afin qu’ils n’acquièrent pas quelque pouvoir.
Troisièmement : l’esclavage électoral :
Les sociétés minières, utilisent la sous-traitance avec de petites entreprises pour effectuer les travaux durs et sales, et tous leurs employés sont d’anciens esclaves, des Harratines, et dans leurs circonscriptions comme Nouadhibou, Chami, les villages de Tmeymichat, Inal, Leghreidat et Twajil, le long de la voie ferrée, ils ont été empêchés d’exercer librement leur devoir électoral. Dans la ville de Chami dans laquelle sont établies les petites sociétés auxquelles Kinross Taziazt confie les tâches sales, difficiles et dangereuses, les travailleurs ont été empêchés de s’inscrire, et ceux qui se sont inscrits ont été empêchés de voter par la manière douce ou la manière forte. Ces entreprises emploient cinq mille de ces esclaves modernes qui sont exposés à la rude chaleur de l’été de Taziazt et à ses hivers rigoureux, et sont exposés aux poisons du mercure et du cyanure, qui sont mortels et destructeurs pour la santé et la vie humaines, la vie des arbres et la salubrité des eaux souterraines.
“Les violations de la loi susmentionnées vont à l’encontre des principes des droits de l’homme énoncés dans le Pacte International relatif aux droits civils et politiques, ainsi que des textes juridiques mauritaniens explicites. Cela rend les élections désastreuses du 13 mai illégitimes, ce à quoi la classe politique doit faire face. La loi est l’expression suprême de l’existence de l’État et de sa souveraineté, et si elle est violée, cela signifie le délabrement de l’État et sa décomposition. S’opposer à ces élections implique :
Premièrement : Annuler ces élections et les organiser après avoir apporté les correctifs suivants :
1) Imposer la mention de l’adresse de l’électeur sur sa carte nationale, comme le font tous les pays. C’est une question de sécurité avant d’être une question électorale. Nous sommes dans une zone insécure et dangereuse et nos concitoyens y sont actifs. Lier la carte d’identité à une adresse précise permet de surveiller des personnes et de les identifier grâce à leur carte, ou au moins circonscrire leur aire d’identification.
Cela prévient aussi la catastrophe de la migration électorale, puisque l’électeur ne peut se présenter ou voter que dans la circonscription correspondant à cette adresse, ce qui permet de couper la voie à la migration électorale.
3) Revoir la composition et les pouvoirs de la Commission Electorale Indépendante et interdire son adhésion à toute personne ayant exercé une fonction exécutive dans l’État et la limiter aux personnes connues pour ne pas être soupçonnées de loyauté politique à l’un des précédents régimes corrompus, ou de compromission avec lui.
4) Dissoudre le Conseil Constitutionnel et le reconstituer de nouveau avec des membres professeurs de droit constitutionnel, des professionnels ayant au moins vingt ans d’expérience.
5) Former la Cour Suprême et nommer à sa tête à un magistrat ou un avocat professionnel, ayant un quart de siècle d’expérience dans l’exercice de une profession de justice
6) Former la Chambre administrative de la Cour Suprême et la doter de conseillers administratifs et d’experts électoraux qui aident le Président de cette Chambre à évaluer les plaintes électorales et distinguer celles qui sont recevables de celles qui ne le sont pas.
La participation à des élections soumises au contrôle tribal est suicidaire, et y participer sans lutter contre le dévoiement des élections par la corruption et l’intimidation par la punition est fatale, ce qui fait que, tant que l’on n’a pas corrigé la situation qui prévalait avant 2019, la participation des partis de l’opposition aux élections est insensée, et ses résultats sont connus d’avance, au profit de ceux qui ont le pouvoir d’accorder ou non les subventions de l’État, de la tribu ou du clan au pouvoir.
Il est aussi nécessaire de limiter le nombre de listes électorales et de réduire les organes élus. Les conseils régionaux sont un pitoyable substitut par lequel on a remplacé le Sénat, il faut donc les supprimer. Les listes de femmes et de jeunes sont un gaspillage d’argent et d’efforts. Nous sommes un pays pauvre et un peuple peu nombreux, et les influences du mouvement féministe n’ont pas encore atteint chez nous toute leur prépondérance stérile.
Nous voulons, sans discrimination positive ou négative pour les femmes, un représentant masculin ou féminin avec certaines compétences et non une racaille aussi insignifiante que l’écume d’un torrent. Nous voulons un député, un maire ou un président de région qui sache lire et écrire.
Nous voulons un député qui ait un niveau de formation universitaire, qui le rend apte à jouer son rôle de législateur, à comprendre les accords nationaux ou internationaux qui lui sont présentés. Nous voulons un député qui puisse comprendre comment le budget a été établi, et comment il va être dépensé.
Nous ne voulons pas d’un député dont la présence n’apporte rien et dont l’absence ne se remarque même pas.
Nous voulons un député capable de discuter et objecter, qui se sent comptable et qui est conscient d’avoir à assumer la responsabilité de représenter le peuple, et qu’il doit s’acquitter de cette responsabilité. Bref, nous voulons une chambre basse, pas une chambre où l’on dort